Oesophagite a eosinophiles (Eoe)

L’Œsophagite à éosinophiles (EoE) est une maladie relativement récente. On la pensait rare, mais elle est en constante augmentation dans les pays industrialisés, en particulier en Europe, Amérique du Nord et Australie. 

C’est une maladie inflammatoire chronique de l’œsophage définie par la présence dune infiltration massive de cellules à éosinophiles (globules blancs du système immunitaire responsable de la lutte contre les virus, bactéries et allergies) au niveau de la muqueuse œsophagienne. A l’état normal, l’œsophage en est dépourvu. 

Son incidence est estimée à 50 cas pour un nombre de 100’000 personnes. Elle touche les enfants, les jeunes adultes (dans la tranche d’âge de 30 à 40 ans) et particulièrement le sexe masculin.

L’Œsophagite à éosinophiles est un dysfonctionnement œsophagien avec des symptômes similaires aux reflux souvent résistants aux IPP (inhibiteurs de la pompe à protons), accompagnés d’une dysphagie (difficulté à avaler), d’impactions alimentaires (aliments bloqués dans l’œsophage) et de douleurs abdominales

Depuis une dizaine d’années, la compréhension de la maladie a beaucoup évolué et semble être en lien avec des manifestations immuno-allergiques. Elle serait généralement induite par des allergies alimentaires difficiles à déceler plutôt que respiratoires.

En effet, en présence d’allergies alimentaires, les tests effectués chez un allergologue révéleraient une augmentation des IGE (les immunoglobulines E, anticorps produits lors d’allergies). Toutefois, dans l’EoE les réactions ne sont pas immédiates mais tardives, donc peu évidentes à déceler.

Au long terme, si l‘Œsophagite à éosinophiles n’est pas maîtrisée, il y a un risque de développer de graves complications : sténose (rétrécissement), remodeling (fibrose et graves constrictions), perforation, etc.

Muqueuse d'un oesophage sain, sans éosinophiles

Oesophage muqueuse saine, sans éosinophiles
Oesophage muqueuse saine, sans éosinophiles

Muqueuse d'un oesophage avec éosinophiles (coloration à l'éosine)

Oesophagite à éosinophiles (EOE)
Oesophage muqueuse avec éosinophiles
  • La dysphagie (trouble de la déglutition, sensation de blocages ou de gêne lors du passage des aliments dans l’œsophage)
  • Douleurs lors de la déglutition
  • Reflux gastro-œsophagiens résistants aux IPP (inhibiteurs de la pompe à protons)
  • Impactions alimentaires (aliments restant bloqués dans l’œsophage). Les malades vont alors éviter certains aliments trop secs, comme le riz, les viandes, les frites et les pommes de terre, etc.
  • Troubles digestifs
  • Nausées, vomissements
  • 70% des patients adultes souffrent également d’asthme, de rhinites allergiques, d’allergies alimentaires (retrouvées dans 45% des cas)

Chez l’enfant, les symptômes sont plus vastes :

  • Refus de s’alimenter
  • Malnutrition
  • Vomissements, régurgitations
  • Troubles digestifs
  • Diarrhée
  • Retard de croissance

  • Hygiène excessive, notamment en occident où l’accès facilité à l’eau, les douches quotidiennes, les lavages et désinfections des mains récurrents défavorisent les défenses immunitaires 
  • L’immunité insuffisante par manque d’exposition aux bactéries durant l’enfance (ex : les enfants vivant à la campagne sont plus exposés aux bactéries que ceux vivant en ville. Ils développent un meilleur système immunitaire et sont donc moins atteint par l’EoE)
  • Excès d’antibiotiques 
  • Environnement rural en lien avec les produits phytosanitaires
  • La qualité de l’air en relation avec les maladies atopiques (asthme, rhinite allergique, eczéma)

Le diagnostic de l’EoE n’est pas facile à poser car cette pathologie est récente et encore passablement méconnue.

Le diagnostic repose sur différents critères. Il comprend une anamnèse des divers symptômes mentionnés ci-dessous :

  • Une hyperéosinophilie sanguine est fréquemment retrouvée
  • Une PH-métrie (examen qui analyse le PH au bas de l’oesophage pour mettre en évidence une corrélation entre le reflux et les symptômes). Dans la plupart du temps, le reflux n’est pas révélé
  • La gastroscopie est l’examen clé pour établir le diagnostic définitif, tant au niveau des aspects histologiques (étude au microscope de la structure des tissus) et cliniques (atteintes) 

Pour l’aspect histologique : il faut faire des biopsies multiples étagées du bas et du haut de l’œsophage, au nombre de 4 par localisation. Ensuite au laboratoire, sous microscope, relever la présence supérieure ou égale à 15 éosinophiles par champ, c’est le critère requis pour le diagnostic !

Parfois chez certains patients (30%), l’atteinte est plus difficile à diagnostiquer car elle est seulement visible en profondeur. Il faut donc procéder à des biopsies plus profondes et plus douloureuses, dans les sous-couches de la muqueuse œsophagienne.

L’examen histologique ne permet pas à lui seul de poser le diagnostic, mais il doit au moins relever 15 éosinophiles sur une biopsie. Pour cela, il est nécessaire de tenir compte des signes cliniques endoscopiques sur la muqueuse (atteintes), voir ci-dessous :

  • Fragilité de la muqueuse 
  • Sillons longitudinaux 
  • Anneaux
  • Exsudats blanchâtres 
  • Sténoses (rétrécissement du calibre de l’œsophage) 

 Il faut également exclure d’autres causes potentielles d’éosinophiles œsophagienne, comme :

  • L’achalasie (absence totale de péristaltisme sur l’œsophage et une relaxation de son sphincter inférieur absente ou incomplète lors de la déglutition)
  • Le reflux gastro-œsophagien (RGO)
  • La gastroentérite à éosinophiles
  • La maladie de Crohn
  • Les infections (herpès, candida, parasite)
  • L’hypersensibilité médicamenteuse

Signes cliniques endoscopiques (atteintes)

Voici les différentes options thérapeutiques, Les 3 DDD :

  1. Médicaments (Drugs) : IPP, cortisone, immunomodulateurs (médicaments qui freinent les réactions du système immunitaire), médicaments biologiques (médicaments fabriqués à partir de cellules ou d’organismes vivants), ex : anti-IL4, anti-IL13
  2. Diètes : Diète élémentaire (pas de protéines), diète selon bilan allergologique, Six-Food Elimination Diet (diète d’élimination des 6 aliments incriminés)
  3. Dilatation : lors de sténoses importantes (rétrécissement du calibre de l’oesophage) et de remodeling de l’œsophage (fibrose et graves constrictions)

Médicaments :

Les traitements sont basés sur plusieurs axes. En premier lieu, les IPP seront utilisés pour traiter le reflux qui n’est pas responsable de la symptomatologie, mais peut être secondaire à l’EoE, en contribuant à l’inflammation.  

Le traitement de fond sera à base de corticoïdes, soit topiques (endroit ciblé, ex. : oesophage), soit systémiques (qui vont dans tout l’organisme). Les corticoïdes topiques engendrent de la candidose (champignons : candida albicans), surtout orale (muguet buccal, mycoses œsophagiennes), mais leur efficacité est prouvée au niveau de la symptomatologie et de l’histologie. Le sirop de Budésonide (gel visqueux,  adhérant bien à la muqueuse de l’œsophage) est un médicament qui a été mis au point récemment. 

Les traitements immunosuppresseurs pourraient être proposés en cas de résistance aux corticoïdes. Le Dupilumab (anticorps anti-Interleukine-4 & 13) a montré une réelle diminution du taux d’éosinophiles ainsi qu’une amélioration au niveau des symptômes.

Les diètes :

o            La diète élémentaire : est un régime strict, sans aucun aliment autorisé. Il s’agit d’une poudre uniquement à base d’acides aminés libres et de peptides, ainsi l’œsophage et le tube digestif sont mis au repos. Cette diète est très contraignante, tant sur le plan social que moral. Difficile à réaliser sur le long terme, il est toutefois possible de l’administrer par sondes d’alimentation.

o            La diète selon bilan allergologique : Elle s’accomplit chez un allergologue avec les tests cutanés (patch, Prick tests) ou sanguins, pour rechercher des aliments et des graminées incriminés. Malheureusement, les résultats peuvent être bien souvent tous négatifs, sans mettre en évidence les réelles allergies.

o            La diète selon les Six-Food Elimination : c’est une méthode lourde et drastique qui se base sur l’élimination des six aliments allergènes les plus communs : blé, lait de vache, œuf, poisson/crustacé, soya, cacahuète/noix. Pour cela, il nécessaire de retirer un aliment après l’autre et procéder à des biopsies de l’œsophage, afin de voir s’il y a une baisse des symptômes et des cellules à éosinophiles. Il faut faire ainsi de suite avec chaque aliment, dans le but de trouver celui ou ceux incriminés.